Genre et identité

Session à Paris les 29 et 30 janvier 2024 et 6 et 7 février 2024 à Valence qui a rassemblé environ 90 personnes de nos différents établissements.

Rencontrer, se mettre à l’écoute, reconnaître

Inspirés par la démarche synodale de l’Eglise, nous avons choisi de commencer cette formation en nous mettant à l’écoute de personnes transgenre : Alexis et Léonard, deux jeunes hommes à Paris , Anne Gaëlle et Sasha à Valence et Véronique, maman d’une jeune fille transgenre lors des deux sessions

Ils ont retracé leur vie dans leur globalité : leurs goûts pour tel ou tel sport, activité, matière, nous invitant à les regarder avant tout dans leur singularité et dans un élan de vie ordinaire pour un jeune de cet âge. Ils ont chacun rappelé la souffrance de se sentir en permanence écartelé entre l’image qu’ils renvoyaient d’eux-mêmes et ce qu’ils se sentaient être vraiment. Cette souffrance est d’autant plus difficile à vivre qu’elle ne peut pas s’exprimer ouvertement ; chacun étant réduit au silence pour continuer à vivre selon les attentes des autres pour eux-mêmes – parfois pendant de longues années .  S’ils peuvent aujourd’hui parler de ce qu’ils ont vécu au plus profond d’eux-mêmes, cela n’a pas toujours été possible. Ils ont aussi exprimé cette souffrance ressentie à ne pas pouvoir s’aimer, aimer ce corps dans lequel ils ne se reconnaissaient pas.

La première étape de leur construction identitaire est passée par la possibilité de se dire en vérité, le plus souvent auprès de leurs familles et de leurs ami(e)s dans un premier temps. Cette parole posée libère d’un conflit interne et permet d’ouvrir un espace apaisé.

Après ce temps d’écoute et de rencontre, nous avons accueilli tour à tour Marie-Laure Durand, Serge Héfez, IsabelleJouhault, Baptiste Jacomino, Aline Ronsmans,  Nathalie Tretiakow, pour, respectivement,  des apports anthropologiques et bibliques, psychologiques, juridiques, philosophiques, éducatifs, institutionnels. La fin de la session s’est terminée par une table ronde composée de chefs d’établissements, d’adjoints , APS et de Mme Roudière , responsable EARS pour le diocèse de Valence.

Ces interventions ont permis d’ouvrir des « champs d’inconfort » nécessaires à la remise en cause d’idées toutes faîtes pour ouvrir un espace d’accueil de la singularité , reconnaissant d’abord toute l’humanité des personnes transgenres, qui ont une égale dignité à aimer et être aimés

Une question a été reprise par différents intervenants : « Qu’est-ce qui fait notre identité ? »

L’identité se construit dans un dialogue et dans l’altérité. Eduquer, selon Marie-Laure Durand, c’est « accompagner la personne à rejoindre sa vocation propre ; c’est permettre de devenir libre, la liberté étant un attribut de Dieu ».

Quels espaces et temps permettent ce dialogue dans nos institutions, permettent la mise en mots de ce qui fait nos singularités ? 

« Il faut absolument soulager la souffrance » selon Serge Héfez. Cela ne veut pas dire pour autant trouver et donner des réponses rapides au jeune en questionnement mais lui offrir tout d’abord la possibilité de dire librement quels sont ses tourments, l’aider à mettre des mots justes sur ce qu’il ressent au plus profond de lui.

Nos projets éducatifs nous invitent à regarder chaque personne comme un être avec un cœur, un corps et un esprit. En tant qu’éducateur,nous l’accompagnons dans la durée, dans un processus de croissance intégrale où se révèle sa singularité appelée à s’épanouir de manière de plus en plus unifiée.

La session s’est terminée à Paris, par le témoignage de Sœur Annick, religieuse  de l’Assomption, qui a œuvré pendant de longues années dans un centre d’accueil de personnes atteintes du sida alors qu’aucun traitement n’avait encore été trouvé. Elle nous a partagé des expériences de vie auprès de ces personnes qui sont venus en écho avec les paroles récentes du Pape François aux jeunes à Lisbonne lors des JMJ : « « Dieu est pour tous ; il nous aime tels que nous sommes avec nos limites et le désir que nous avons d’avancer dans la vie ; il reste là, à nous attendre bras ouverts. IL n’y a pas de conditions préalables pour rencontrer l’Amour de Dieu ».

A Paris et à Valence, Corinne, responsable du centre Angèle Merici, Sr Marie-Pierre , Ursuline de l’Union Romaine et Sr Claire, nous ont partagé ce que le charisme de nos congrégations  nous donne comme souffle pour travailler nos postures éducatives, notre manière d’être en relation, d’être à l’écoute des personnes , ajuster nos regards sur les personnes qui nous sont confiées, A la suite de nos fondateurs, nous sommes invités à une conversion véritable pour nous faire proche de tous, là où sont les besoins de notre temps.

Quelques photos de la session de Paris prises par le photographe Pedro Lombardi et la dernière photo prise à Valence :

L’intelligence artificielle à l’Ecole?

Faut-il introduire dans ses cours des temps qui feront une place à l’utilisation de l’intelligence artificielle ou la laisser à la porte de l’Ecole en voulant ainsi protéger les élèves?

Tous les enseignants ont le souci de prévenir les dangers pour leurs élèves. Quelle est alors le meilleur moyen d’y parvenir? Interdire ou éduquer à l’utilisation? La prévention semble être de meilleur augure si on souhaite former des adultes responsables et autonomes. Aujourd’hui, les jeunes évoluent dans un monde numérique où le rythme des avancées est colossal ces dernières années. Il est essentiel de leur donner des outils à l’Ecole pour les doter de savoir-faire et savoir être pour comprendre les algorithmes et ainsi pouvoir discerner. Ne pas laisser cet apprentissage en dehors de l’Ecole pour permettre à tous à égalité de pouvoir comprendre son fonctionnement pour mieux en maîtriser les atouts et les éventuelles dérives

Croire que je peux progresser est une compétence essentielle.

Un certain nombre d’élèves pensent qu’ils sont  » mauvais » en maths, français… et que quoiqu’ils fassent, ils le resteront. Ne faudrait-il pas prendre du temps en classe pour expliquer comment fonctionne le cerveau?Et nous mêmes, educateurs, sommes-nous vraiment persuadés que tout progrès est toujours possible ?

https://7sb07.r.sp1-brevo.net/mk/mr/sh/SMJz09SDriOHTzreNH0uaJiTkeWq/vkzDFdTWOYIK

S’accorder des moments de contemplation pour mieux apprendre

Passer du mode « apprentissage » au mode « esthétique » aide à réduire notre charge mentale et pourrait bien être, paradoxalement, bénéfique pour nos capacités cognitives, explique la chercheuse en psychologie Sylvie Chokron, dans un article du Monde paru le 14 décembre 2023.

Le mode « apprentissage » est marqué par un souci d’efficacité et une optimisation de nos capacités attentionnelles, mnésiques et, plus généralement, intellectuelles. Le mode « esthétique », quant à lui, n’obéit pas aux mêmes lois. Lorsque nous nous offrons un moment de contemplation, notre attention ne se focalise que sur un seul objet, que nous admirons de manière tout à fait désintéressée, simplement pour ses qualités esthétiques ou pour l’émotion qu’il fait naître en nous, sans aucune arrière-pensée concernant un objectif d’efficacité.

Et pourtant… s’arrêter pour admirer la beauté autour de nous pourrait bien être un sérieux moteur à l’apprentissage. Ainsi, Pietro Sarasso et ses collègues de l’université de Turin n’hésitent pas à faire l’hypothèse que si le plaisir de la contemplation s’est développé au cours de l’évolution, c’est peut-être parce qu’il nous permet d’arrêter nos actions pour nous concentrer sur la perception, éprouver du plaisir et, au bout du compte, mieux mémoriser ce que nous avons devant les yeux. Cette hypothèse est confortée par le fait qu’il existe une forte association entre l’appréciation esthétique et l’activation des circuits dopaminergiques liés à la récompense.

Prendre du plaisir pour mieux apprendre… voilà donc une piste intéressante ! La même équipe a d’ailleurs confirmé par la suite que l’on apprend plus facilement et que l’on retient bien mieux ce qui nous plaît. Ainsi, l’écoute d’un morceau de musique que l’on aime s’accompagne d’une mémorisation implicite, inconsciente, qui possède de plus une signature cérébrale que les auteurs retrouvent en mesurant l’activité électrique du cerveau.

Nous devrions donc user et abuser de moments de contemplation pour doper notre mémoire et notre attention !

Créer du lien et du sens

Un article de l’observatoire Ecolhuma fait parti d’une interview de Fernando Nunez-Requiero, membre du conseil scientifique et chercheur en sciences de l’éducation de l’université de Grenoble où il identifie deux défis majeurs pour éviter le décrochage scolaire des jeunes.

  • Accrocher émotionnellement les élèves c’est-à-dire créer du lien avec eux en instaurant une relation de confiance, en considérant leurs efforts, leurs progrès et en étant à leur écoute.
  • Créer du sens en explicitant clairement les attendus des apprentissages .

Ste Angèle: « Graver chacun dans mon cœur, un à un : c’est le véritable amour. »

Un outil pour découvrir l’écologie intégrale

Une série vidéo spécialement destinée aux jeunes, réalisée par nos amis belges (l’équipe de la pastorale scolaire du Brabant Wallon). C’est une vision de l’écologie intégrale en strates ( strate technique, comportementale, politico-économique, philosophique, spirituelle)  qui est présentée en 7 épisodes dynamiques. Un excellent outil pour amorcer un travail avec des lycéens ou des étudiants. 

Des arbres qui marchent …

Une série documentaire en 8 épisodes, comme autant voies (et de voix ! )qui nous aident à explorer un chemin de sens dans notre monde en train de basculer. Chaque vidéo dure environ 35 min. A la croisée de l’écologie, des sciences, de la spiritualité, le réalisateur, Pierre-Paul Renders, livre une sorte de tissage résultant de l’intelligence collective, et ouvre ainsi un espace de parole qui permet à chacun d’apporter son propre fil.

Un bel outil pour travailler en équipe éducative ou avec des grands jeunes.

A retrouver à l’adresse ci-dessous :

https://desarbresquimarchent.com/index.php/en-resume/

Découvrez la bande-annonce :

Apprendre à gérer la frustration en maternelle

Temps de lecture environ 7 minutes

Étape 1 – Comprendre le cerveau de mes élèves de maternelle

Nous allons commencer par un peu de théorie ; comprendre ce qui se passe dans le cerveau de nos élèves quand ils ou elles ressentent une frustration nous aidera à avoir une approche qui est à la fois respectueuse et efficace. 

En maternelle, la frustration est fréquente : ranger un jeu alors qu’on s’amuse, s’asseoir alors qu’on a envie de courir, écouter alors qu’on brûle d’envie de parler. Les enfants font sans cesse face à des petites et grandes frustrations, et pour certains l’émotion est parfois très forte. C’est normal, car suivre le rythme et les règles de la collectivité sont des apprentissages qui s’inscrivent dans un temps long.

Traverser une émotion désagréable comme la frustration sans avoir des comportements hors cadre ou agressifs est également un apprentissage, et à trois ou quatre ans la plupart des enfants sont peu équipés pour le faire. Parlons de ce que nous pouvons faire au quotidien dans nos classes pour accompagner cet apprentissage et pour gérer les frustrations de nos élèves tout en tenant compte des contraintes du groupe classe.

Il y a plusieurs façons de schématiser le cerveau humain. Je vais vous utiliser ici celle proposée par Daniel Siegel dans son livre Le cerveau de votre enfant. Il nous invite à imaginer le cerveau comme une maison, avec deux étages :

  • Sur l’étage du haut (le cortex cérébral), nous trouvons les processus complexes comme penser, imaginer, planifier, analyser, apprendre. C’est aussi dans l’étage du haut que se passent les processus liés au contrôle de nos réponses émotionnelles. Notre cortex cérébral nous donne la possibilité dans certaines circonstances de contrôler nos impulsions, nous aide à prendre du recul et à analyser une situation pour savoir ce qu’il convient de faire.
     
  • Dans l’étage du bas (tronc cérébral et système limbique), nous trouvons les aires responsables des fonctions primaires (respiration, battements du cœur), des réactions innées et impulsives (attaque, fuite, inhibition), et des émotions fortes comme la peur ou la colère.


Le cerveau d’en bas est bien formé à la naissance et possède déjà toutes les capacités pour mener à bien ses fonctions. Celui d’en haut se développe tout le long de l’enfance et de l’adolescence, et n’est pleinement mature qu’autour de 25 ans. Cela veut dire, très concrètement, que la partie du cerveau qui nous aide à analyser une situation, à contrôler son impulsivité, n’est pas prête à le faire à 3, 4, 6 ans. Quand un enfant ressent une émotion, c’est son cerveau d’en bas qui va dicter ses comportementsqui auront alors toutes les chances d’être des comportements impulsifs (attaque, fuite, inhibition). Le cerveau d’en haut n’est pas assez mûr pour prendre le dessus et aider l’enfant à raisonner et trouver une réponse socialement acceptable, empathique ou raisonnable. 

Ce décalage dans la maturation des différents étages du cerveau serait suffisant pour rendre notre vie d’enseignant ou d’enseignante compliquée… Mais il y a un facteur aggravant. C’est l’amygdale, que Daniel Siegel appelle le chien de garde de la maison. Quand elle sent une menace (que l’on soit adulte ou enfant), elle prend le contrôle du cerveau d’en haut et nous permet d’agir avant de réfléchir, réflexe important quand il y a un danger. Chez les enfants, l’amygdale s’enflamme souvent. Donc non seulement l’étage d’en haut est encore en travaux, mais même les parties qui fonctionnent déjà ne sont pas accessibles quand l’enfant vit un débordement émotionnel ou une situation de grand stress. 

Étape 2 – Comprendre les mécanismes de l’émotion

Une fois qu’on a posé cela, qu’est-ce qu’on fait ? Pour trouver des interventions efficaces, nous allons faire encore un petit détour théorique pour découvrir les étapes d’une émotion

Les émotions sont des réactions saines, automatiques et de courte durée. La frustration est une émotion ressentie quand il y a un décalage entre nos envies, besoins ou attentes et la réalité. Il s’agit d’une émotion désagréable, qui s’exprime souvent associée à la colère. Une émotion se déroule en trois étapes :

  • Un événement survient qui va à l’encontre de ce qu’attendait l’enfant. Exemple : Naël va vers le coin regroupement, s’imaginant assis à côté de Victor, mais la place est prise. Le cerveau d’en bas de Naël s’active et son corps a des réactions immédiates qu’il ne contrôle pas, ses muscles se crispent et sa respiration s’accélère. C’est ce qu’on appelle la charge.
     
  • Le corps réagit pour faire baisser la tension provoquée par l’émotion. Avant de s’en rendre compte, Naël a poussé l’enfant installé à côté de son camarade et commence à crier et à se débattre quand la maîtresse intervient. Taper, crier, pleurer, pousser sont des actions qui font baisser la tension de l’émotion. Voici la décharge, comportement qui va permettre à la tension de descendre chez Naël. 
     
  • Enfin, l’apaisement. Après avoir pleuré un bon coup, Naël est plus calme. Ses muscles ne sont plus tendus, il reprend son souffle et accepte (avec l’accompagnement de l’adulte) de s’installer ailleurs.

ACTION !

Pour gérer les frustrations de nos élèves de façon efficace et respectueuse, je vous propose trois temps où nous pouvons : 

  • agir sur l’événement inattendu (c’est ce qu’on va appeler éviter les frustrations) ;
  • aider l’enfant à traverser cette décharge avec le moins de dégâts possible ;
  • enseigner aux élèves progressivement à avoir des réactions qui permettent l’apaisement et qui sont socialement acceptables.

Étape 3 – Limiter les frustrations en classe

Le premier levier pratique que nous avons en classe est de limiter les frustrations. Que ce soit clair, cela ne veut pas dire accepter toutes les envies de nos élèves ! Pour reprendre les mots de Daniel Siegel, « le fait que son cerveau soit encore en chantier fournit un motif supplémentaire pour poser à l’enfant des limites claires et l’aider à comprendre ce qui est acceptable ou pas ».

Rappelons-nous que la frustration se produit quand il y a une discordance entre une attente ou envie et la réalité. Donc si leurs attentes correspondent à ce qui va se passer, il y aura moins de frustrations. Concrètement, ce que nous pouvons faire en classe : 

  • Avoir des routines prévisibles et explicites
    La routine rassure l’enfant et fait en sorte que beaucoup de ce qui se passe à l’école est attendu. Faire des rappels constants est important en maternelle, les élèves ont besoin d’entendre tous les jours qu’après la récréation, on va lire l’histoire de la semaine puis aller à la cantine, etc.
     
  • Adapter nos routines et nos pratiques aux besoins et au développement de nos élèves
    Ils sont jeunes et ont des besoins qui vont parfois à l’encontre de ce que nous proposons en classe : besoin de bouger, besoin de participer, de s’impliquer dans tout ce qui est proposé, de se sentir écouté, de boire, d’aller aux toilettes, etc.
     
  • Questionner certaines pratiques ou routines pour s’assurer qu’elles tiennent compte des besoins de l’élève est un axe important
    Est-ce que tous mes élèves se sentent impliqués pendant mon temps de regroupement ? Est-ce qu’ils savent quand/comment demander à boire ? Est-ce que je leur propose assez d’occasions pour qu’ils bougent ?
     
  • Anticiper les transitions, qui sont plus propices aux frustrations. Quand nous avons 25 élèves et un emploi du temps à respecter, le rythme du groupe ne suivra jamais le rythme de chacun. Nos élèves devront quotidiennement arrêter un puzzle avant de l’avoir terminé, rentrer en classe alors qu’on s’amusait en récré. Annoncer de façon très claire au groupe « Nous allons rentrer dans 5 minutes. ». Celava aider les élèves à anticiper la transition et être moins surpris quand ça sonne, ce qui donnera un peu plus de chance à son cerveau d’en haut de rester actif !
     
  • Tenir compte des besoins spécifiques de certains élèves.
    Certains élèves se frustrant plus facilement ou plus fortement que d’autres. En tenir compte, c’est doubler d’anticipation avec eux (et non pas être plus souple). 
     
  • Adapter vos interventions à votre classe et aux difficultés que vous rencontrez.
    Par exemple, une année j’avais des élèves qui se frustraient très vite au moment du regroupement, car ils voulaient tous s’asseoir les uns à côté des autres. J’ai donc établi des places attitrées pour le regroupement. Une autre année, c’était le fait de devoir arrêter leurs dessins et coloriages qui était le plus dur. Nous avons mis en place une banette spéciale pour les “dessins que je vais terminer tout à l’heure”. J’ai une collègue qui a fabriqué une petite “main” avec un 5 dessus, et une des responsabilités dans sa classe et de faire le tour des élèves en indiquant « On range dans 5 minutes ! » à chacun, pour préparer la transition. 
     

À vous de jouer ! Quel est le moment où la situation dans votre classe où vous rencontrez souvent des difficultés liées à la frustration de vos élèves ? Que pouvez-vous changer dans la routine de la classe pour rendre cette situation moins frustrante ?

La gestion des conflits en maternelle : comment faire ?

Fanny, professeure des écoles et directrice d’école maternelle, partage les points clés de la Communication Non Violente pour les plus petits.

Étape 4 – Accueillir et gérer la frustration de mes élèves

Malgré tous nos efforts d’anticipation, les frustrations font partie du quotidien d’une classe. Que faire quand un élève est en pleine crise en classe ?

  • Connecter avec l’enfant et accueillir sa frustration avec calme et empathie.
    Rappelons-nous que cette émotion est normale, et qu’elle est désagréable pour l’enfant. L’enfant ne fait pas exprès, il ne cherche pas à avoir tout ce qu’il veut, mais exprime une vraie colère, une vraie tristesse. Nous sommes là pour l’aider à traverser cette émotion avec des réactions acceptables. Aucune intervention de notre part ne sera fructueuse si on ne se place pas en allié de notre élève. Alors on se met à sa hauteur, et on montre par notre présence que nous sommes là dans ce moment difficile pour eux. 
     
  • Nommer l’émotion de l’enfant, si possible en explicitant son origine :« Je vois que tu es très frustré car tu voulais t’asseoir à côté de ton copain mais la place est prise. Je comprends ta déception. »Ne posez pas de questions, surtout par des pourquoi, l’enfant n’est pas prêt à réfléchir à son émotion. 
     
  • Laisser le temps pour que l’émotion descende
    Quand une émotion est très forte et la décharge aussi, l’important sera de sécuriser tout le monde (protéger l’enfant, les camarades et vous-même) et de rester avec l’élève le temps de la décharge. Continuez à nommer ce qu’il ressent jusqu’à ce que vous sentiez qu’il comment à pouvoir vous écouter. (Pour les plus petites frustrations, on peut souvent sauter cette étape.)
     
  • Proposer des alternatives
    Tu peux venir t’asseoir à côté de moi, ou à côté de Lia, qu’est-ce que tu préfères ? » Si l’émotion est trop forte, aucune alternative ne sera acceptée. 
     
  • Les plus jeunes ont parfois des difficultés à gérer les choix aussi. Dans ce cas, rediriger l’attention de l’enfant : « Viens t’asseoir avec moi, on va chanter la chanson de l’escargot, tu peux tenir les paroles pour moi ? »
    Votre ATSEM peut être un allié de force à ces moments: l’aider à préparer la peinture ou à ranger les jeux peut être une bonne distraction. Toute activité qui fait appel au cerveau d’en haut (choisir une chanson, etc.) aidera votre élève à reconnecter avec cette partie de son cerveau et à redescendre de son émotion. Vous pouvez également créer un coin de ressources émotionnelles dans votre classe.

ET SI L’ENFANT A DÉJÀ EU UN COMPORTEMENT AGRESSIF ?

  • Sécuriser d’abord : on sépare les enfants, on retient si besoin celui qui frappe.
     
  • Expliciter le comportement possible, et le comportement interdit le cas échéant. « Tu as le droit de dire “Je voulais m’asseoir ici.”, mais tu n’as pas le droit de pousser Marcus pour prendre sa place. »
     
  • Être concis, quand le cerveau d’en bas a le dessus, l’élève n’entend à peine.
     
  • Demander à l’enfant agressé comment il va. « Ça va ? Tu as mal quelque part ? Oui, t’as mal au bras car tu as reçu un coup, et puis ça a dû t’attrister aussi. »
     
  • Le plus grand mot d’ordre étant (et je sais que c’est dur !), on fait tout ce qu’on peut pour rester calme ! On respire et on essaie de dompter notre chien de garde qui, lui aussi, est en alerte.

Étape 5 – Enseigner des comportements de décharge acceptables

Les frustrations étant inévitables, à l’école comme dans la vie, apprendre à nos élèves à les traverser avec progressivement un peu plus de “cerveau d’en haut”, et surtout avec des comportements de décharge acceptables, c’est non seulement nécessaire mais un des plus beaux cadeaux que vous pouvez faire à vos élèves (et à ses futurs enseignants !). Cet apprentissage se fait en dehors des temps de crise, au calme. Quelques idées : 

  • Modéliser
    Quand nous sommes frustrés, nous pouvons le dire : « Je suis très frustrée, je voulais vous lire cette histoire mais il y a trop de bruit. Je vais respirer trois fois pour retrouver mon calme. » Quand vos élèves vous voient traverser votre frustration avec calme et justesse, les circuits de son cerveau enregistrent la scène, et c’est un peu comme s’il “répétait” pour pouvoir le faire à son tour. Avec le temps, les voies de communication entre les deux étages vont se renforcer et contrôler naturellement et un peu plus efficacement les pulsions primitives de colère ou de peur. 
     
  • Expliquer le cerveau à vos élèves
    Expliquer à vos élèves (même les plus petits!) l’idée que notre cerveau à différentes parties, et que chacune s’occupe de différentes choses qui se passent en nous, ou que nous faisons. Leur expliquer pourquoi parfois on a l’impression qu’on ne choisit pas ce qu’on fait, et comment on peut aider notre cerveau à “grandir” (voir à ce sujet deux vidéos pour aborder le sujet en classe Le cerveau dans la main, pour aider les enfants à gérer leurs émotions et Outil de gestion émotionnelle : l’escalier mental).
     
  • Expliquer les émotions à vos élèves
    Il est très important de transmettre aux élèves la différence entre une émotion et un comportement :
    • Leur apprendre à reconnaître puis nommer leurs émotions (c’est le cerveau du haut qui le fait, donc quand un enfant nomme son émotion « Je suis en colère ! », il fait un pas vers le contrôle des pulsions du cerveau d’en bas).
    • Leur expliquer que toutes les émotions sont saines, qu’on ne choisit pas de les ressentir ou non, qu’elles nous donnent des messages importants sur nous même, et qu’on a le droit de ressentir toutes les émotions.
    • Leur expliquer les comportements (ce qu’on fait) ont des conséquences sur les autres et sur nous même, et qu’il y a des comportements qui ne sont pas autorisés, quelle que soit la raison. 
       
  • S’entraîner sur des techniques de décharge
    En plus de modéliser, on peut s’entraîner ensemble. Choisir une ou deux techniques et faire quelques répétitions régulières en regroupement par exemple. Dans ma classe, on s’entraînait sur deux choses très régulièrement : respirer trois grands coups en les comptant (pour quand on sentait l’agitation ou la frustration monter), et croiser les bras et dire « non » quand on n’était pas d’accord avec un camarade (croiser les bras aidait les enfants à contrôler un geste impulsif qui pourrait être agressif). 
     

À vous de jouer ! Sur ces quatre idées, notez celle que vous faites déjà dans votre classe. Pouvez-vous renforcer cette méthode en la faisant plus régulièrement ? Il y a-t-il une idée qui vous inspire et donne envie ? Notez dans votre cahier journal un moment dans la semaine où vous pouvez la mettre en pratique.

ET SI J’AI VRAIMENT L’IMPRESSION QU’IL OU ELLE FAIT EXPRÈS ?

On a tout de même parfois l’impression qu’ils ne sont pas vraiment submergés par une tempête émotionnelle, mais qu’ils font un peu exprès pour avoir ce qu’ils veulent… Et c’est parfois vrai. 

Plus l’enfant grandit, plus il peut utiliser des comportements choisis pour obtenir ce qu’il veut. Daniel Siegel appelle cela la “crise d’en haut”, car elle naît dans le cerveau d’en haut et pas dans le cerveau d’en bas. Il nous explique qu’on peut la repérer par le fait que l’enfant arrête instantanément la crise si vous cédez à ses exigences. 

Mais dans le fond, cela ne change pas l’approche à avoir. Les mots d’ordre sont : on reste calme, on ne cède pas, on nomme ce qu’on voit, et si le comportement n’est pas approprié, on sécurise et on explique. La nuance serait dans le fait d’insister avec calme sur les conséquences du comportement de l’enfant sur les autres, et sur le fait que cela ne l’aidera pas à obtenir ce qu’il souhaite. 

Dans ma pratique, il me semble que les “crises d’en haut” arrivent à certains enfants en grande section, mais j’en ai rarement vu chez les plus jeunes. Le cerveau d’en bas parle souvent beaucoup plus fort à ces moments.

Paula Buswell

Directrice d’école maternelle, professeure des écoles pendant 12 ans, facilitatrice qualifiée en Discipline positive pour la classe